La permaculture ailleurs, en Inde

Faisons le point sur la permaculture en Inde, ce qu’elle peut apporter et qu’est-ce qu’elle peut représenter pour la société de l’Inde. 

J’ai le grand plaisir d’accueillir sur ce blog Steven. Un passionné de permaculture et un de mes premiers abonnés sur facebook ! Il m’a gentiment proposé d’écrire un article pour le site Jardiner Futé, et j’ai été enchanté de découvrir son article traitant du sujet de la permaculture, mais en Inde. 

Si vous vous demandez ce qu’est la permaculture, je vous invite à ouvrir l’article suivant dans un nouvel onglet pour le lire avant de lire celui-ci, vous prendrez plus de plaisir à les lire dans cet ordre : la permaculture, qu’est-ce que c’est ? (Les personnes connaissant la permaculture sont aussi invitées à le lire bien entendu 🙂 )


Je me présente : je suis Steven et j’ai demandé à Heikel il y a quelques temps si je pouvais l’aider à écrire pour son blog. Il a accepté avec enthousiasme et je l’en remercie 🙂  Alors voici peut-être un article qui propose une manière originale daborder la permaculture et l’agriculture biologique !

 

La situation en Inde

Dans le film Lion paru l’an dernier, dès les premières minutes, nous sommes immergés dans une Inde aux paysages somptueux : l’écume de la mer longe une plaine sablée et colorée d’une verdure aux allures sauvages et sèches, des montagnes affleurent les nuages, ces lieux inaccessibles à l’homme. La grandeur de la nature indienne, implacable, vient s’opposer subrepticement à la pauvreté des humains, et surtout à celle des enfants indiens, par le prisme du personnage de Sauroo, contraint de mettre sa vie en péril pour récupérer clandestinement du charbon et le revendre. Sous des traits artistiques, est ici soulignée la prérogative sociale à laquelle fait actuellement face l’Inde : la pauvreté des enfants, souffrant souvent d’insuffisance pondérale à cause d’un manque alimentaire dans les états où le taux de natalité dépasse les 20% comme dans l’état du Bihar ou celui de l’Uttar Pradesh. Cette urgence sociale est en directe corrélation avec celle de penser un autre modèle de production quand celui du passé est révolu. En effet, les modes de productions intensives de la révolution verte des années 70 ont rapidement montré leurs résultats, mais aussi leurs limites en termes de rentabilité ce qui a conduit les Indiens à penser autrement leur système de production. À ce titre, se tient tous les deux ans la conférence internationale sur la permaculture, comme cette année en Inde. Il s’agissait donc de profiter de ce grand événement autour de la permaculture pour vous parler de ce qu’elle peut représenter pour les Indiens en prenant un peu de recul.

Un peu de contextualisation : Le tournant de la révolution verte

Sous l’égide du modèle libéral, la révolution verte des années 70 a permis l’émancipation des agriculteurs de classes moyennes en les soustrayant du système conservateur des castes par la mise en application des systèmes de productions industriels de masse. À Pondichéry, le déploiement de puits tubés a largement favorisé l’essor des cultures VHR (Variété à haut rendement). L’envers du décor n’est pas inconnu : parasites, végétaux indésirables, maladies, pesticides… Aujourd’hui, les indiens se sont vite rendu compte du décalage entre les résultats obtenus et les pronostics de production faussement plus encourageants. L’idée de ne pas appliquer le modèle occidental à l’Inde n’est pas nouvelle. Dès la fin des années 70, des intellectuels comme Uberoi, universitaire de Dehli, estiment que l’Inde ou quelque autre pays ne doivent pas imiter l’occident en cherchant par des voies intrinsèques leurs solutions à leurs propres problèmes.

 

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Société rurale et nouveau défi en Inde

Le terrorisme alimentaire comment les multinationales affament le tiers-monde Inde PermacultureAinsi, la population essentiellement rurale de l’Inde à hauteur de 70% de la population totale se retrouve face à de nouveaux enjeux. La permaculture est le récent fer de lance des activistes de l’agriculture biologique. Pour le dire clairement, et de manière caricaturale, d’un côté nous avons les paysans les plus pauvres contre les grandes firmes. Ces derniers valorisent la monoculture pour des questions pratiques d’exploitation et de propriété de semence. Vandana Shiva, fervente militante de l’agriculture locale, parle de monopole de ces semences – et donc de monopole du marché dans son ouvrage intitulé le terrorisme alimentaire. Pour accéder à son livre, cliquez sur le lien suivant : Le terrorisme alimentaire : Comment les multinationales affament le Tiers-Monde. Pour les anglophiles, voici le blog de Vandana Shiva sur lequel elle poste régulièrement des informations : Vandana Shiva

Le ralentissement et la baisse de production ont immédiatement alerté les paysans les plus pauvres. Dans cette nouvelle société, ce sont les agriculteurs les plus pauvres qui pâtissent de l’aspect le plus contraignant de l’agriculture intensive au niveau humanitaire et environnemental, allant parfois jusqu’au suicide. Ce sont principalement eux les acteurs de la permaculture en Inde, une voie plus rentable que la culture intensive.

 

L’Inde, un des berceaux de permaculture

L’inde est un berceau fort de la permaculture de par son implication militante, et ses penseurs en étroit lien avec les pères fondateurs australiens de la permaculture. Aux systèmes technologiques de récoltes, la permaculture propose de délaisser les instruments automatisés pour laisser la nature retravailler seul. A la monoculture laisse place la polyculture, plus durable dans le temps et plus nutritif. Autrement dit, de l’autosuffisance alimentaire, mais de l’autosuffisance alimentaire propre pour le consommateur et pour ses terres.

Narsanna Koppula est reconnu dans le monde en tant que designer et enseignant diplômé de l’institut international de permaculture en Australie. En 1985, avec Bill Morison et Robin Francis, ils préparent un workshop autour de la permaculture rassemblant 25 étudiants dans l’état de l’Andhra Pradesh . Alors que la question autour de la permaculture n’est que très récente, c’est dès la création du concept que le militant indien s’intéresse au sujet, en faisant intervenir les deux chercheurs.

 

Le Baranaja : les douze semences (une association de culture)

En Inde, les initiatives locales liées à la permacutlure sont originales : connaissez-vous le baranaja, une méthode permaculturelle dans les montagnes ? Il s’agit un peu d’associations culturelles comme vous en avait parlé Heikel sur les associations de cultures : les associations de culture. Ce terme résulte de la compression sémantique de deux mots : Barah veut dire douze et Anaja veut dire grains – Baranaja, les douze semences. Cette technique de culture se pratique au nord de l’Inde, dans l’Etat du Garwhal, près de l’Himalaya. Il s’agit de semer de façon aléatoire ces douze semences pour crée un microcosme à l’intérieur duquel se constitue des interactions entre les graines. De plus, l’on peut également cultiver des légumineuses, des légumes secs et des épices. Ainsi, malgré les aléas du climat, l’agriculteur ne se retrouvera pas sans rien. En 2009 dans la ferme de Vijay Jadhari, fondateur de l’ONG « save the seed », la sécheresse a détruit une partie des cultures rizières et de blé mais les cultures d’amarante et de millet ont survécu. . Aux initiatives locales s’ajoutent celles plus militantes, voulant jusqu’à faire de la permaculture un autre paradigme de penser.

 

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Conférence internationale de la Permaculture en Inde

La conférence internationale de permaculture a lieu tous les deux ans. Cette année elle se déroulera à l’automne 2017 en Inde. Je suis tombé dessus par hasard pour tout vous dire lors de mes recherches et pourquoi ne pas donner un tout petit peu de visibilité à cet événement même si c’est un peu loin pour s’y rendre ! Voilà le lien vers le comité : comité international de permacultureDe nombreux sujets y seront abordés, en voilà quelques-uns qui ont retenu mon attention : « Permaculture, une responsabilité des sociétés » ; « Introduire des jardins à petite échelle dans les camps de réfugiés syrien » ; « Construire un nouveau paradigme : la permaculture pour la paix. » ; « La permaculture comme un instrument contre le changement climatique et la pauvreté ». Voilà, avec cette conférence mondiale sur la permaculture, cela montre combien la permaculture est bien plus qu’une pratique agricole locale mais qu’il s’agit d’un enjeu de combat sur le plan politique dont les dimensions sont idéologiques. La conférence aura lieu du 25 novembre au 2 décembre 2017.

 

J’espère que vous aurez appréciez cet article écrit par un abonné du site. Vous avez des remarques ? N’hésitez pas à les laisser en commentaire en-dessous de cet article !

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10 réflexions au sujet de « La permaculture ailleurs, en Inde »

  1. Bonjour,
    J’ai fait des recherches sur le baranaja, je n’ai rien trouvé. Aurais-tu des articles ou des textes auxquels me référer pour en savoir plus ? Merci par avance, je poste tardivement, j’espère que ce site est toujours actif… Bien à toi Emilie

  2. Merci pour vos retours, et je suis content de voir que vous avez apprécié la lecture de ce texte!
    Jean-claude vous avez complètement vu juste, retrouver le contrôle des semences c’est faire un grand pas pour la permaculture, et ce, en France comme en Inde! En revanche je ne pense pas qu’il faille forcément calquer la pensée indienne, je préfère plutôt dire aller dans le même sens par divers moyens pour arriver à la même finalité c’est-à-dire sauver les agriculteurs dans le pétrin et aller vers des modes de productions et de consommations plus éthiques.

    Au plaisir 🙂

    1. Salut Steven, je suis tout à fait d’accord avec toi et je trouve ton commentaire très intéressant.

      Ça me permet de faire un lien avec un des écueils que rencontrent beaucoup de personnes qui commencent la permaculture. En jardinage on a beaucoup de techniques différentes : les buttes, les jardins en carrés, les lasagnes, le BRF, le mulch, les purins, etc. Et le problème que rencontrent les débutants en permaculture (ou en jardinage bio / naturel) c’est qu’ils voient que telle ou telle technique marche bien pour certains. Et directement, ils veulent mettre en place cette technique dans leur jardin aussi !
      Mais en ce faisant, ils ne réfléchissent pas au contexte de leur lieu où est implanté le jardin potager. Toutes les techniques ne sont pas utiles en fonction d’un contexte donné.

      C’est pareil pour la situation en Inde et en France, on ne peut pas importer des techniques qui marchent en Inde sans réfléchir au contexte en France. Ce sont deux pays aux climats très différents, si nous devions prendre en compte que ce critère. 😉

      Merci pour ton commentaire. À bientôt ! 😉

    2. Salut Steven !!
      Bien sûr il ne faut pas calquer ce qui se fait en Inde mais faire en sorte d’adapter au terroir, au climat de la France. Avec de la patience on y arrivera. J’en suis convaincu. Pour ce qui est des graines il y a quelques temps j’ai publié un article sur mon site https://spotjardinmonsite.com/2017/05/28/les-graines-ne-sont-pas-la-propriete-des-multinationales/ et un autre sur “Où se procurer les graines” ? https://spotjardinmonsite.com/2017/02/13/ou-acheter-vos-graines-par-pestoune/ Je te souhaite une bonne après midi. A plus !!

    3. Salut Heikel !!
      Je suis tout à fait de ton avis qu’il faut s’adapter en fonction du lieu où se situe son jardin. Ce n’est pas obligé que telle astuce que tu utilises fonctionne forcément chez moi. Ce n’est que par nos différentes expériences que nous trouverons chacun ce qui fonctionne bien dans nos jardins respectifs. J’avoue que toutes ces expériences sont très intéressantes et motivantes. Ce n’est que par nos erreurs que nous avancerons dans le bon sens. Bonne après midi et à bientôt !!

  3. Salut Heikel !!
    Bravo à Steven pour cet article plein de bon sens. Ce qui peut se faire en Inde peut très bien se faire ici. Je pense qu’il faudra que chaque jardinier en prenne conscience et c’est à nous de populariser cette philosophie qu’est la permaculture et la façon de cultiver. ça ne peut plus durer comme ça. Il faudra en arriver à la désobéissance civique. J’ai d’ailleurs commencé en produisant mes propres graines comme un certain nombre de jardiniers le font déjà. Au fait Heikel j’ai partagé cette publication sur twitter mais sur Google et sur fb ça ne fonctionne pas. J’ai un message d’erreur.

    1. Salut Jean Claude, merci pour ton commentaire !
      On a tous le pouvoir de montrer l’exemple. C’est un excellent moyen de faire adhérer les gens à nos démarches qu’on juge constructives et de montrer que d’autres voies sont possibles !
      Je laisse à Steven le soin de te répondre 😉

      Ah mince, je vais voir ça, merci de m’avoir prévenu !

  4. Très sympa de faire un point hors de cette Europe aux politiques pétrifiées dans un néo-libéralisme mortifère (oui, carrémment!). Je suis depuis quelques temps les vidéos de deux françaises faisant le tour des bonnes initiatives indiennes, c’est la chaîne Food sense tour sur Youtube, très exaltante!

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