Comment cultiver toute l’année dans une serre

Comment cultiver des fruits et légumes toute l’année dans une serre sans chauffage. Cela vous paraît irréalisable ? Et pourtant, c’est ce que nous voyons aujourd’hui avec un expert de la question !

J’ai le plaisir de laisser la parole à Philippe, un expert en ce qui concerne tout ce qui touche à l’isolation, à la gestion de l’énergie etc. Des thématiques centrales en permaculture. J’ai reçu beaucoup de demandes et de questions concernant les serres au jardin potager, mais aussi les vérandas ou les serres accolées aux maisons (exposées au Sud) afin de produire des fruits et des légumes toute l’année. Afin, aussi, de produire des légumes ou des fruits qui ne pousseraient normalement pas sous nos latitudes

 


Bonjour à tous et merci à Heikel de m’avoir invité à écrire un article sur son excellent blog. Je m’appelle Philippe, je suis (encore) un jeune retraité du secteur de l’énergie. Aujourd’hui, mes nouvelles activités – je rénove des appartements – m’ont conduit à prendre conscience de toutes les erreurs que l’on commet dans la construction et qui, au final nous coûtent beaucoup d’argent. On dépense de grandes quantités d’énergie pour se chauffer (ou pour climatiser) alors que si on avait une meilleure connaissance des lois de la nature, on pourrait vivre dans des maisons beaucoup plus économiques sans renoncer au confort auquel on est habitué. Bien évidemment, les nouvelles réglementations sont là pour ça, mais elles concernent essentiellement les logements neufs, seulement 1% du parc existant. Aux autres 99 % de se débrouiller comme ils peuvent. C’est à eux que mon blog est destiné. Beaucoup d’erreurs sont commises parce qu’on ne connaît pas les lois de la nature, qui sont elles même soumises aux lois de la physique (l’année dernière, Heikel avait organisé un événement inter blogueur auquel j’avais participé sur ce thème : « les limite et les lois de la Nature »). L’eau, qui est indispensable à la vie, est vraiment un liquide bien étrange : il est un des seuls (le seul que je connaisse) qui se dilate en se solidifiant, ce qui fait que la banquise flotte sur l’océan. Que se serait-il passé si l’eau avait été un fluide normal, dont la glace coule au fond de l’océan en emprisonnant les fragiles organismes précurseurs de la vie ? Pas de vie dans les mers, pas de vie sur terre : notre existence tient à peu de choses… Les lois de la physiques sont impitoyables et il est très coûteux et très présomptueux de vouloir les outrepasser, comme ceux qui veulent faire du ski à Dubaï… Plus modestement, l’article qui suit est issu de quelques réflexions sur la question : peut-on cultiver toute l’année sous nos latitudes, transformer une véranda en serre, sans pour autant dépenser d’énergie pour la chauffer ? On verra que c’est possible. Mais pour cela, il faudra respecter quelques règles…

 

Savoir cultiver toute l’année

 

Peut-on utiliser une véranda, un jardin d’hiver, un piège à chaleur, pour cultiver toute l’année ?

Dans le blog maison-econome-et-confortable, il est surtout question des économies d’énergie qu’on peut réaliser lorsqu’on occupe une maison qui est déjà ancienne mais qu’on n’a pas les moyens ou l’autorisation de faire des travaux importants de rénovation.  Nous proposons des  solutions d’économies qui tiennent compte de ces contraintes tout en conservant l’objectif de ne pas renoncer à notre confort.

Ici, on parlera des serres, des verrières, et des vérandas, de la manière dont on peut les utiliser pour créer un jardin permanent. Ces constructions vitrées ont toutes un objectif commun : maintenir une température suffisamment chaude l’hiver pour être confortable tout en restant assez fraîche l’été. Pour une serre, l’objectif est de pouvoir cultiver sur une période plus étendue voire même tout au long de l’année. Pour une véranda, c’est d’avoir une extension confortable de la maison. On parle aussi maintenant de « serres de vie » lorsqu’on souhaite combiner les deux.

La bonne nouvelle, c’est que tous les objectifs qu’on peut donner à une serre-véranda (agriculture, permaculture, aquaponie, jardin d’hiver, agrément, extension du domicile, économie d’énergie,…) ne sont pas incompatibles et qu’une même construction peut remplir ces différentes missions. La moins bonne, c’est que cela peut représenter un budget plus élevé et davantage de contraintes qu’il faudra mieux anticiper au moment de la construction.

 

L’effet de serre

Pour comprendre comment tout cela fonctionne, on va fait un rapide retour sur la notion de l’ «effet de serre » dont on parle souvent au sujet du climat. L’énergie du rayonnement solaire pénètre à l’intérieur d’un volume fermé par une surface vitrée en traversant les vitrages parce que le verre est transparent pour le rayonnement visible et pour l’infrarouge « proche ». C’est cet « infrarouge proche » qui véhicule la chaleur du soleil et qu’on appelle ainsi parce qu’il est proche du rouge visible. La chaleur accumulée provoque alors une augmentation de la température de tous les objets qui se trouvent à l’intérieur du local.  Ils se mettent à leur tour à émettre du rayonnement. Mais ce rayonnement infrarouge est différent de celui qui est émis par le soleil, il est porté par des « infrarouges lointains » (c’est à dire plus lointains de la lumière visible), dont la fréquence est plus faible que celle du rayonnement qui est émis par le soleil. Or, le verre n’est pas transparent pour le rayonnement émis avec ces fréquences-là, c’est pourquoi ils restent piégés à l’intérieur du local. L’énergie ne peut pas ressortir, c’est cela qui provoque une augmentation la température. C’est cela qu’on appelle l’ « effet de serre »: l’énergie entre facilement mais elle sort plus difficilement du local vitré et fermé.

Schéma expliquant l'effet de serre de manière simple
Schéma expliquant l’effet de serre de manière simple

Ça c’est la théorie

Voilà comment les choses devraient se passer en théorie. Mais en fait, dans une serre, les choses se passent un peu différemment. L’énergie entre à l’intérieur en traversant le verre par rayonnement, mais elle peut sortir aussi par conduction au travers des vitrages. Pour expliquer cela, il faut revenir sur le chapitre qui décrit les trois modes de propagation de la chaleur : 1 le rayonnement, 2 la convection par les mouvements de l’air et 3 la conduction à travers les solides. Dans les parties supérieures de la construction, la chaleur cherche à sortir de la serre par rayonnement, mais aussi par convection et conduction : l’air chaud monte jusqu’au toit vitré, qui est réchauffé par contact, et la chaleur traverse alors le verre par conduction. Évidemment, on parle ici de verre, mais les phénomènes sont les mêmes pour une serre construite avec des films plastiques ou des plaques de polycarbonate. Ce qu’il est important de comprendre ici, c’est qu’on aura de meilleurs résultats en hiver comme en été si la serre est munie de vitrages isolants performants : une véranda moderne, à double vitrage pourra donner de bons résultats si elle est utilisée comme une serre.

 

Les personnes qui ont lu cet article ont aussi lu   La culture du poivre du Sichuan

Isoler pour mieux conserver l’énergie

 

Garder sa serre au chaud, même en hiver

Pour bénéficier de la chaleur solaire pendant les mois froids de l’année, il faut donc des vitrages isolants et offrant un « facteur solaire » élevé. Le facteur solaire est une mesure du pourcentage de la chaleur rayonnée par le soleil qui parvient à traverser le vitrage, l’autre fraction du rayonnement étant réémise vers l’extérieur. Si on compare les vitrages simples qui équipent classiquement les serres, avec des doubles vitrages de type 4x16x4 ce qui correspond au le standard actuel (deux vitres de 4 mm espacées par une lame d’air de 16mm) qui équipent les fenêtres modernes, les simples vitrages ont un meilleur facteur solaire, mais en revanche de beaucoup plus fortes pertes par conduction. A ces pertes par conduction vient s’ajouter le problème de la condensation de l’eau sur les parois froides, ce qui a pour conséquence d’assécher l’air ambiant. Pour un vitrage simple, le facteur solaire est plus important, mais l’isolation est moins efficace. Pour un double vitrage, c’est l’inverse, il faut donc choisir. Le coût peut être un élément de choix, or, on constate que maintenant, le double vitrage étant devenu une norme, son coût devient aujourd’hui assez voisin du simple vitrage. Par conséquent si on souhaite réaliser un projet de nouvelle construction, il est préférable d’utiliser le double vitrage, les coûts supplémentaires restent modérés pour des petites surfaces.

Pour aller plus loin au sujet des phénomènes physiques qui interviennent dans les vitrages, pour comprendre comment les doubles vitrages favorisent l’isolation et pour comprendre quelle est la raison pour laquelle on utilise de l’argon on pourra approfondir ici.

 

Augmenter les apports solaires et savoir les conserver pour la nuit

L’objectif de la serre est de recueillir et de conserver le plus possible d’énergie solaire pendant l’hiver, on parle alors de « piège à chaleur » lequel sera plus efficace s’il est  muni d’un «mur Trombe » plus ou moins perfectionné, le raffinement ultime étant le «  mur parieto dynamique ». La véranda se comporte comme un grand capteur solaire, si elle est accolée à la maison, c’est elle qui lui donnera de la chaleur.

 

Le mur Trombe

Le mur Trombe est un massif maçonné qui est exposé directement au rayonnement solaire, il est revêtu d’une peinture de couleur sombre et il est destiné à accumuler la chaleur qu’il reçoit directement du soleil. Cette chaleur est ensuite restituée lentement pendant la nuit, ce qui permet de diminuer l’amplitude des variations de température jour/nuit. La restitution de la chaleur pendant les périodes de nuit est plus efficace si on aménage des canaux à l’intérieur du massif dans lequel l’air peut circuler afin de ressortir réchauffé par le massif. Pendant la période d’exposition au soleil, ces canaux sont fermés afin de favoriser la montée en température du massif, c’est lui qui absorbe la chaleur, ce qui permet de limiter la montée en température dans la serre-véranda.  On peut faire une analogie avec le principe de fonctionnement du « poêle de masse » dont le grand volume est destiné à lui donner une « inertie thermique » suffisamment importante pour qu’il diffuse de la chaleur tout au long de la journée et de la nuit avec seulement deux charges de bois quotidiennes. La masse de pierre a aussi pour effet d’empêcher une montée trop brutale de la température du poêle. Dans les deux cas, mur trombe et poêle de masse, ce sont plusieurs centaines de kilo, voire plusieurs tonnes de pierres et de béton qui servent à stocker et à réguler la chaleur. Le « mur pariéto dynamique » est un raffinement supplémentaire qui est encore peu développé en France : dans les fenêtres ou les vitrages, l’air circule librement entre les plaques de verre. A l’aide de clapets, on peut orienter l’air réchauffé par le rayonnement solaire vers l’intérieur de local en hiver ou vers l’extérieur en été. Lorsque le soleil est absent, les clapets sont fermés.

Ainsi, il existe plusieurs possibilités pour maintenir en température une serre-véranda pendant la période froide sans avoir recours à des systèmes de chauffage consommateurs d’énergie facturée.

  

Un grand capteur solaire

En fait, la serre/véranda devient ainsi un grand capteur solaire à air à l’intérieur duquel on pourrait se déplacer. On peut ensuite la compléter par de véritables capteurs solaires à air, qui peuvent être de fabrication artisanale ou bien des modèles industriels. Il en existe qui sont particulièrement efficaces parce que la circulation de l’air chauffé par le soleil est forcée par un ventilateur alimenté par une petite cellule photovoltaïque. Le système adapte ainsi le débit d’air chaud automatiquement au flux d’énergie solaire reçu et s’arrête automatiquement pendant la nuit… À noter aussi que le mur de masse qui apporte une chaleur issue du soleil qui est restituée ensuite de manière déphasée pendant la nuit, peut aussi se situer à l’extérieur de la maison et transmettre sa chaleur par conduction,  mais les résultats seront forcément moins performants.

Enfin, une serre-véranda bien conçue peut constituer un apport d’énergie pour la maison si elle est adossée à la face sud de la construction. Si on a le choix, ce sera la configuration à privilégier.

 

Les personnes qui ont lu cet article ont aussi lu   Comment cultiver la pomme de terre sans aucun effort

Compléter avec la géothermie douce

La terre a la capacité de diminuer l’amplitude des variations de température journalières et saisonnières. Cette propriété très utile pourra être mise à profit dans une serre de deux manières : en enterrant partiellement la construction (surtout sur la face nord), ou en utilisant les propriétés d’un échangeur air-sol appelé aussi « puits canadien » ou « puits provençal ». Dans ce type d’échangeur, l’air est injecté dans le volume à climatiser après avoir circulé dans une gaine de plusieurs dizaines de mètres qui a été enterrée à une profondeur qui doit être supérieure à 1 m (le plus profond est le mieux). L’air, qui est prélevé à l’extérieur se réchauffe alors en hiver et se rafraîchit en été au contact des couches profondes de terre.

Pour illustrer cela, on pourra trouver ici un projet complet à réaliser d’origine québécoise, serre semi-enterrée complétée par un puits canadien qui permet de cultiver toute l’année bien que le local soit entouré par la neige !

 

Savoir gérer l’humidité

feuille avec des gouttes d'eauReste la gestion de l’humidité et des problèmes de condensation avec des objectifs qui peuvent être très différents selon que l’on souhaite avoir une pièce d’agrément, une serre, un jardin d’hiver, un local d’aquaponie, voire même une serre à plantes tropicales ou un vivarium. Si on veut tout faire, il faudra compartimenter, pour maintenir des taux d’humidité adaptés dans chaque partie de la serre-véranda. La végétation apporte beaucoup d’humidité et si on souhaite la maîtriser, la solution la plus efficace consiste à ventiler le local. Il existe des systèmes de ventilation qui savent gérer l’humidité et la température de manière quasiment automatique. Pour plus de détails sur les problèmes d’humidité on pourra consulter cette page :  les problèmes d’humidité. Il ne faut pas, pour cet usage, envisager l’emploi d’un déshumidificateur, très vorace en énergie facturée. Son usage doit être réservé aux situations exceptionnelles : dégâts des eaux, etc…

 

Savoir rafraîchir pendant l’été

Pour maîtriser la température pendant la période chaude, il existe 3 méthodes : 1 limiter les apports d’énergie solaire en utilisant des écrans, stores et rideaux pour empêcher la chaleur de pénétrer dans le local. Ils seront encore plus efficaces s’ils sont à l’extérieur du bâtiment. 2 Prévoir des ouvertures de ventilation suffisamment grandes et correctement disposées avec éventuellement une ventilation mécanique. 3 Faire évaporer de l’eau qui absorbera de l’énergie pour se transformer en vapeur. Ces trois méthodes ne consomment pas ou très peu d’énergie. Enfin pour maîtriser la température de la serre, il faut aussi savoir organiser son environnement immédiat : prévoir une végétation disposée de manière à former un écran pendant la période chaude et éviter les environnements bétonnés, tout particulièrement les sol bitumés de couleur sombre qui absorbent énormément d’énergie pendant la journée et qui la restituent ensuite pendant la nuit. Les installations utilisant la géothermie pour réchauffer la serre pendant l’hiver sont aussi très utiles l’été pour la rafraîchir. Les systèmes de climatisation ne devront être envisagés qu’en dernier ressort, leur fonctionnement est toujours très coûteux en électricité. Il faut toujours garder à l’esprit que l’on consomme toujours davantage d’énergie et d’investissements pour rafraîchir un local que pour le réchauffer.

 

Pour conclure

Une serre efficace est une construction qui régule bien la température sans qu’il soit nécessaire de lui apporter de l’énergie, et cela même pendant les périodes les plus froides de l’hiver. Différentes techniques permettent de maximiser les apports d’énergie solaire en hiver (mur Trombe, capteurs solaires à air) tout en isolant (double vitrage) et en profitant de la géothermie (serre plus ou moins enterrée, puits canadien), pour ensuite maîtriser ces apports solaires en été avec des dispositifs d’ombrage, de la végétation, et de ventilation naturelle ou forcée pour rafraîchir la serre en été.

PhF

Vous avez une serre veranda dans laquelle vous cultivez des fruits et légumes toute l’année ? N’hésitez pas à nous partager votre expérience ou d’autres astuces. Si l’article vous a plu partagez le sur les réseaux sociaux ! 😉 

Partager l'article
  •  
  •  
  •  
  •   
  •  
  •  
    116
    Partages
  • 114
  •  
  • 2

7 réflexions au sujet de « Comment cultiver toute l’année dans une serre »

  1. Bonjour, et qu’en est-il des serres tunnel ? Surtout si l’on a un petit budget et que l’on est pas super bricolo ….merci

    1. Bonjour, c’est une bonne idée pour allonger légèrement la saison de jardinage en fin d’année, ou pour la débuter plus tôt en début d’année. Mais cette solution n’est pas applicable à la même échelle pour des cultures au coeur de l’hiver (cela dépend évidemment du climat dans lequel vous êtes). Vous pouvez aussi utiliser des voiles de forçage. Mais une solution économique est d’utiliser des draps (à enlever et à remettre en place tous les jours, car ils ne laissent pas passer assez de lumière).

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.